À deux mains, Tino Gierig, artisan-boulanger, retire la pâte jaune du robot. Tandis qu'il divise la pâte et pèse à nouveau chaque pâton – chacun doit peser exactement 1,5 kg, ni plus ni moins –, il en profite pour nous conter l'histoire du célèbre Christstollen de Dresde.
Christstollen – Noël gourmand
Un gâteau historique
La première mention du Christstollen remonte à 1474: les écrits font état d'un gâteau de carême sans beurre, ressemblant alors plutôt à un pain. Au XVIIe siècle, le prince électeur Auguste le Fort demande au Pape l'autorisation d'utiliser du beurre pour la fabrication du stollen en Saxe. Requête accordée! Et depuis, le stollen en contient, du beurre, beaucoup même! Il s'est également enrichi d'amandes, d'amandes amères et de massepain. Ça le rend plus moelleux, et ça remplace le sucre. Parmi les autres ingrédients, on trouve encore de la farine de froment séchée, du sucre, du citronat, de l'orangeat d'orange amère, des raisins sultanines (que le boulanger met préalablement à macérer dans du rhum), du sel marin, et pour finir des épices à stollen, un mélange de clous de girofle, de cardamome et de vanille. Chaque fabricant a sa recette secrète, nous explique monsieur Gierig. L'artisan, issu lui-même d'une famille de boulanger, est aujourd'hui à la tête de la boulangerie Dresdner Backhaus, qui compte 120 collaborateurs.
À Dresde, le stollen est une affaire sérieuse. L'original doit obligatoirement être préparé dans la ville, par des boulangeries qui en produisent toute l'année. Il en existe 150 aujourd'hui. Elles font d'ailleurs l'objet d'un suivi et d'un contrôle réguliers par la Schutzverband Dresdner Stollen e.V., l'association de protection du stollen de Dresde. Pour obtenir le tant convoité label doré, assorti d'un numéro de contrôle, l'établissement en question doit s'en tenir scrupuleusement aux ingrédients de base et respecter les proportions minimales. Le poids d'un Christstollen peut quant à lui s'échelonner entre 500 grammes et 6 kilos maximum.
Conservateurs naturels
Tino Gierig pétrit les pâtons un par un. Il nous raconte que, selon la légende, le Christstollen représenterait l'enfant Jésus dans ses langes. Traditionnellement, on utilise un moule à stollen, une sorte de couvercle dont on coiffe le gâteau, pour le préparer. Son usage nécessite un pétrissage spécifique, tout un savoir-faire que seule une poignée de personnes maîtrise encore. La forme la plus courante est celle d'un pain présentant une entaille de deux centimètres de profondeur sur sa surface, pour accueillir le beurre. Les stollen sont maintenant enfournés. Rendez-vous dans une heure!
À peine sortis du four, Tino Gierig passe tout d'abord la main sur ses stollen pour retirer les raisins brûlés à la surface des gâteaux. Ils ne doivent en aucun cas avoir un goût amer. Ensuite, chaque gâteau est généreusement enduit de beurre liquide et de sucre cristallisé clair. Une technique de conservation naturelle. On les laisse ainsi toute une nuit avant de les saupoudrer de sucre glace frais le lendemain. Afin de développer toute leur saveur, ils devront encore reposer au moins trois semaines. Le boulanger-pâtissier nous explique avec force humour et passion l'univers du stollen dans un saxon des plus colorés. Il conseille de toujours inciser le Christstollen au milieu, pour qu'il reste bien en forme et sèche moins vite. Correctement stocké, un stollen peut se conserver jusqu'à un an.
Dresde célèbre son stollen
À Dresde, si la tradition du stollen est bien vivante tout au long de l'année, elle atteint son apogée le samedi précédant le second dimanche de l'avent, lors de la Stollenfest ou fête du stollen, qui a lieu tous les ans. Toute la ville est en liesse. À cette occasion, des cours de pâtisserie pour apprendre à faire le stollen ainsi que des visites dans les boulangeries sont organisés, et une cuisine ouverte est installée sur le Striezelmarkt, le plus ancien marché de Noël de la ville.
Avant de nous quitter, Tino Gierig nous fait une petite confidence: pour lui, il n'y a pas mieux qu'un bon thé noir Earl Grey allOngé d'un trait de lait pour accompagner le stollen. Et de nous confier en riant que, le 24 décembre à 20 heures, après la fermeture du magasin, il s'écroule dans son lit et n'a qu'une envie: dormir!
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